Plic, plic, plic. Ce bruit incessant troublait les rêves d’Étoile de la Rose. Qui pouvait bien lui chuchoter, dans un langage codé, mis à part ce bruit-là même, oui, qui pouvait bien lui parler par un quelconque moyen des évènements à venir ? Que ce ne serait pas un jour banal ? Comme les autres - en considérant, tout de même, que le bouleversement dû à une augmentation subite de grade qui, puisque tout devait être banal, n'aurait jamais dû avoir lieu d'être - c'est à dire une journée où la meneuse organiserait les patrouilles, flânerait dans le camp, avec une impression d'un sentiment désespéré.

Ce jour-là, les nuages recouvraient le ciel d'une épaisse couche gris anthracite. Une bise glaciale soufflait par à-coups - ce genre de brise qui vous ébouriffe les poils en deux secondes si l'on considère que les chats ont la même unité de mesure que les Hommes.
Une oreille de la chatte remua. Les moustaches frémissantes, elle se dirigea vers la sortie du camp. Ses ancêtres avaient toutes les réponses ! Ils pouvaient probablement aller appeler Étoile Sinistre pour que ce dernier explique les raisons de sa mort subite, tout en expliquant, par la même occasion, celles de son lieutenant. Après tout, ce n'était pas plus compliqué que ça !

Parfois, il y a des évidences qui m'échappent.

Et puis, la question qui revenait sans cesse, pourquoi elle ? Elle n'avait même pas reçu ses neuf vies, voilà qu'elle ferait donc une pierre deux coups ! Si les ancêtres acceptaient la décision du Clan...

La route ne fut pas tellement longue - du moins, pas aussi longue et tortueuse que la meneuse l'avait envisagé.
L'atmosphère changea, comme par magie. Des particules brillantes volaient dans un air tiède et humide. Étoile de la Rose n'était plus très loin. Le décor était somptueux, comme sorti d'un rêve - un rêve réel.
Mais alors qu'elle se dirigeait vers le cœur de l'endroit, ses épaules se dérobèrent sous l'effet d'une grande pression ; des griffes s'enfoncèrent dans sa chair. Elle hurla et écrasa l'assaillant en se roulant sur le dos, puis fit volte-face en vitesse. Dans sa contemplation, elle avait complètement baissé sa garde ! Furieuse, contre l'intrus et contre elle-même, elle gronda.

Aurore Étoilée bayait aux corneilles. Elle en avait assez d'être confinée dans sa tanière à ne rien faire. En plus, elle trouvait que sa litière commençait à avoir une odeur pas spécialement agréable. À force de ne jamais sortir, elle n'allait jamais perdre de vies, jamais mourir. Et être immortel est la chose la plus chiante qu'il puisse arriver, donc elle plaignait le pauvre chat -s'il existait- qui se retrouvait avec ce don à son Appel. Elle décida de sortir.

Le ciel rempli de nuages s'étendait à perte de vue. L'œil violet de la meneuse s'effaça pour laisser place à du doré étincelant, qui brillait de mille feux en accord avec son autre œil. Quelle belle couleur grise ! Aurore Étoilée songea que ces nuages reflétaient bien son état d'esprit actuel. Sombre. Pourquoi cette cruelle décision du Clan des Astres ? Pourquoi est-ce que c'était tombé sur elle, et pas quelqu'un d'autre ? Parce qu'elle était différente ? Mais en quoi ?

La féline rousse décida d'aller à la Source de Lune, ce bel endroit si majestueux, mais qui avait transformé sa vie. Ayant l'habitude du chemin, elle trotta rapidement jusqu'à l'endroit mystique. Plus loin, elle aperçut un autre félin. Une guerrière, et des Abysses, à l'odeur. En s'approchant un peu, elle découvrit Rose des Sables, complètement subjuguée par l'atmosphère de l'endroit. Aurore Étoilée lui sauta dessus. La chatte blanche  poussa un cri de surprise et roula, envoyant la meneuse rousse atterrir plus loin. Elle se retourne en feulant. Aurore Étoilée était furieuse, et les nuages commencèrent à virer à l'écarlate , comme si ils étaient reliés à ses émotions - Ce qui était en partie vrai, au fond.

"Qu'est-ce que tu fous ici, toi ?! La Source de Lune est réservée aux chefs et aux guérisseurs, pas aux guerrières écervelées comme toi !

Aurore Étoilée grinça des dents. Sans laisser le temps à la féline adverse de répliquer, elle la coupa, ses oreilles s'étant dressées.

"Chut ! Un intrus. Un autre."